Tous Parisiens ?

C’est une courte vidéo mais qui en dit long, très long même sur le système médiatique français. Jean Hornain, directeur général du Parisien / Aujourd’hui en France a récemment fait une déclaration sans ombrage à Christophe Beaugrand dans le cadre de la Médiasphère de LCI.

Jean Hornain, à propos de l’omniprésence des actualités du Parisien à la Une de tous les médias confondus : « (…) je suis très fier parce c’est vrai qu’on fait souvent les conducteurs des journaux (…)« . La déclaration a de quoi surprendre mais elle met surtout en évidence une triste réalité, celle d’une certaine pauvreté journalistique.

Par pauvreté journalistique je m’entends. Il ne s’agit pas de discuter de la présence dans tous les organes de presse d’une information d’importance, simplement quand un journal sert immanquablement de référentiel à l’ensemble des autres médias, là un tout autre problème se pose.

On vante la multiplication des titres de presse par la salutaire nécessité d’avoir une pluralité de l’information. Mais face à cet aveux de Jean Hornain ce voeux vole en éclat. A vouloir s’assurer d’un succès d’écoute, d’audience ou de vente on ne cherche plus à se singulariser, on cherche simplement à ne pas trop s’éloigner de la concurrence. Et comme cette concurrence (ce « leader ») use avec largesse d’informations titrées sous la bannière des « faits divers » ou encore des sujets légers voir très légers, elle draine, sans le vouloir, l’ensemble des médias dans une information ethnocentrée, légère et « fait diversifiée » laissant de côté toute une partie de l’actualité moins vendeuse, plus complexe et et coûteuse dans son traitement.

Alors même que la proximité des informations est désormais établie, il est également intéressant de s’interroger sur le traitement que chaque organe de presse apporte à ces mêmes informations. Des couleurs et sensibilités existent selon les médias concernés, mais il demeure qu’à cette nuance près, c’est essentiellement la question de l’angle adopté qui se pose. Force est de constater que dans ce registre, le formatage et la présentation univoque des sujets laisse entrevoir un profond malaise dans le monde journalistique.

Par manque de temps, d’effectifs, par peur de la prise de risques, on se cantonne à fournir une information labellisée « grand public » comme le fait Le Parisien, faisant un survol de l’actualité correct mais applicable à ce titre et à son public. Et au jeu du copié-collé (ou presque), on en arrive avec une grande facilité à occulter un nombre considérable d’informations qui ne trouvent plus leur place dans une presse redondante.

Par ailleurs, les effets de lassitude d’un public de moins en moins enclin à suivre ces médias similaires se ressentent de plus en plus, faisant croître cette crainte et l’exigence journalistique qui va avec. Si ceci n’était pas (encore) une évidence, le monde journalistique et médiatique traverse une très grave crise.

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