Ce soir (ou jamais!), clap de (presque) fin

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inq ans et quelques cinq cent quatre vingt douze émissions tel est le score que l’émission de seconde partie de soirée de France 3 , « Ce soir (ou jamais!) » cumule en cette fin de saison. Depuis jeudi soir dernier, la cinquième saison du programme s’est conclue avec l’arrêt de la version quotidienne (du lundi au jeudi) pour un retour en septembre sous la forme hebdomadaire. Dans un paysage télévisuel ou tout ou presque passe par le broyeur des détracteurs, cette émission aura (le plus souvent) su tirer son épingle du jeu proposant une émission appréciée bien que peu (voir très peu) regardée. Comment dès lors une telle émission a-t-elle pu perdurer à l’antenne ?

« Ce soir (ou jamais!) » c’est en quelque sorte l’un des emblèmes du passage de Patrick De Carolis à la direction de France Télévisions. Là où il voulait incarner un virage éditorial pour le groupe public vers davantage de culture et une promesse de sens dans la majorité des émissions, « Ce soir (ou jamais!) » est arrivée comme un laboratoire de la culture au quotidien.

Car parler de culture à la télévision française est un paradoxe depuis l’ère Bernard Pivot. Car à cette époque « Apostrophe » ou « Bouillon de culture » faisaient référence et parvenaient même certaines fois à rassembler le public (dans un paysage cathodique bien moins éclaté qu’actuellement il faut le remarquer). Depuis, de nombreuses expériences ont étés menées sans résultats probants.

Il faut dire que le genre est tout de même très particulier et circonscrit à la télévision française au niveau mondial. Le principe général du talk avec des invités autour d’une table est français et a du mal à s’exporter ailleurs. Tradition des débats, des discussions, de la confrontation des points de vue, le genre est très apprécié en France. « Ce soir (ou jamais!) » utilise cette même disposition en procédant tout de même à quelques ajustements significatifs.

Quand la plupart des émissions de talk (qu’ils soient estampillés culturels ou de divertissement) proposent une mécanique très étoffée (sommaire, plusieurs débats, des chroniques, des magnétos, des performances plateau, un invité promo, etc.), « Ce soir (ou jamais!) » installe dès les premières secondes du programme le public au cÅ“ur du sujet avec l’énonciation directe du thème de la soirée et un tour de table rapide des intervenants présents. Pas de bons mots ou d’applaudissements interminables, l’ambiance est posée, le public joue son rôle d’auditeur attentif symbolisant le peuple de l’agora.

Par ailleurs, et c’est également un élément que le « Grand Journal » a su mettre en avant intelligemment, le rôle du présentateur est totalement effacé, n’étant là que pour donner les grandes orientations du programme. Néanmoins, à la différence du « Grand Journal » où toute l’émission est séquencée en chroniques, Taddeï ne fait que donner un temps de parole équitable entre tous ses intervenants et donne à une ou deux reprises les grandes orientations de la discussion (nouvelle question ou court extrait vidéo).

« Ce soir ou (jamais!) » c’est également un élément unique dans les émissions de débat en France, un temps de parole qui n’est pas chronométré. C’est à dire qu’en règle générale, dans une émission de ce type, les interventions sont calculées de manière à ne jamais dépasser les quarante cinq secondes. Il s’agit là d’un élément que nombre d’invités critiquent vivement puisque la plupart jugent qu’en quarante cinq secondes ils sont obligés de fournir des réponses ramassées qui ne reflètent pas toujours toute leur pensée.

Là, la parole est sacrée tout comme le temps de l’énoncer et de l’expliquer. C’est ainsi que cette émission a su, au fur et à mesure des années, se constituer des plateaux d’invités que l’on ne voit nulle part ailleurs. Chercheurs, penseurs, hommes ou femmes de lettres et autres se sont pressés dans cette émission où le débat représentait véritablement le cÅ“ur du programme, là où ailleurs, le ton est minutieusement préparé et se veut être l’unique élément de différenciation.

D’ailleurs, à propos de l’absence de ton, « Ce soir (ou jamais!) » s’inscrit dans une ambiance qui n’est jamais figée. La majorité du décors est fait de cubes transparents dans lesquels un système de lumières change en permanence, permettant d’alterner une multitude d’ambiance tout au long d’une émission de manière à témoigner par moment de l’ambiance du débat en cours.

« Ce soir (ou jamais!) » aura ainsi proposé pendant cinq saisons une émission iconoclaste puisqu’elle se démarquait de beaucoup d’autres émissions du même genre dans sa forme ainsi que dans son fond. Ne voulant pas reprendre uniquement les fondements du genre, elle s’est attachée à promouvoir une parole dans un écrin et non l’inverse comme en témoigne de trop nombreuses autres émissions. « Ce soir (ou jamais!) » ne doit pas non plus être considérée comme l’exemple ultime à suivre en terme de télévision, mais elle doit être relevée dans sa dimension de mise à disposition d’un média pour des discours ou quand les paroles plurielle et disparates ont le temps de prendre forme et de s’épanouir sans se soucier du rythme télévisuel.

Maintenant le rendez-vous est fixé en septembre pour voir si cette formule rare en télévision perdurera en version quotidienne.

Pour ceux qu’ils ne l’ont pas vu, la dernière émission de la saison (jeudi 9 juin 2011) est encore disponible pendant quelques jours sur le site internet pluzz.fr.

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