Une dure « réalité »

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lors que les programmes estivaux se terminent avec ce dernier week-end d’août et juste avant que les nouveautés de la rentrée ne viennent remplir les grilles de programmes, il est temps de revenir sur ce qui s’est passé cet été du côté des programmes de France Télévisions. Le constat est majoritairement très rude pour le service public qui s’est vu infligé de cinglants revers d’audience. Petit tour d’horizon de ces échecs et tentatives d’explication.

Depuis août 2010, France Télévisions a changé de dirigeant. Fini l’ère De Carolis, bonjour à l’ère Pflimlin et ses nouveaux engagements vis à vis des publics de France Télévisions. Face à des téléspectateurs de plus en plus âgés, le nouveau patron des télévisions publiques s’est notamment engagé à rajeunir le public tout en ouvrant l’antenne aux genres qui pour l’instant n’étaient pas en odeur de sainteté à savoir la « télé réalité » ainsi que les documentaires réalité.

Et ce sont ces genres de programmes qui ont été plébiscités pour venir garnir les grilles d’été, avec un succès somme toute très relatif. Avant toutes choses, présentation succincte de ces Å“uvres télévisuelles.

L’étoffe des champions : émission de « télé réalité » présentée par Alexandre Ruiz, initialement programmée le mercredi soir en première partie de soirée sur France 3 dont le concept était d’entraîner  trois équipes de sportifs semi-amateurs par des entraîneurs de renom et de les faire s’affronter par la suite au cours d’épreuves. L’émission avait eu une très large promotion du fait de la présence parmi les entraîneurs de Raymond Domenech. Au cours de l’émission, on suivait à la fois la préparation physique, mentale de chaque entraîneur ainsi que le déroulé des épreuves. Après deux diffusions qui ont connu des scores historiquement bas pour France 3, la chaîne a décidé de décaler la suite de l’émission en seconde partie de soirée, en catimini.

Devine qui vient camper ? : émission de « télé réalité » présentée par Olivier Alleman, programmée de façon hebdomadaire le samedi soir de 20h à 20h30 sur France 3 également dont le concept se résumait à faire venir chaque semaine une célébrité (Philippe Candeloro, Steevy Boulay, Danièle Evenou, etc.) pour partager le quotidien d’une famille de campeurs. Entre activités, discussions et tâches au quotidien, chaque célébrité tentait de tisser des liens de proximité avec les campeurs. L’émission a connu tout au long de sa diffusion des audiences très faibles.

5 touristes… : émission de « télé réalité » programmée quotidienne depuis la fin juillet du lundi au vendredi de 18h à 19h sur France 2 dont le concept est d’emmener à l’étranger cinq touristes qui ne se connaissent pas et qui sont plutôt éloignés de caractère en vacances pendant une semaine. Ils vont vivre ensemble dans une maison tout en partageant une semaine de découvertes et de vie en communauté. L’enjeu ? Chaque touriste va devoir proposer et faire découvrir aux autres une activité de son choix qui lui tient à cÅ“ur afin que par la suite soit désigné, par ses camarades de farniente, le « meilleur touriste » qui remporte un séjour au soleil. L’émission, au cours de toutes ces semaines de diffusion a réalisé des scores ridiculement bas pour France 2.

Partez tranquille, France 2 s’occupe de tout : émission de « télé réalité » présenté par Thierry Beccaro et Julie Raynaud, programmée de façon hebdomadaire le dimanche en fin d’après-midi de 18h à 19h sur France 2. Cette émission repose sur le principe suivant. Thierry Beccaro et Julie Raynaud sillonnent la France afin de rencontrer des personnes qui ne prennent jamais de vacances du fait de leur activité professionnelle très prenante et qui ne leur laisse jamais de temps libre en été (agriculteur, marin pêcheur, un artificier, etc.). Pour palier à cette situation, ils ont prévu de les remplacer par des animateurs du serice public qui se proposent de venir faire leur travail à leur place pendant quelques jours le temps qu’ils se reposent un peu. L’émission repose uniquement sur le décalage aperçu entre l’univers des animateurs de télévision et les métiers qui demandent un vrai savoir faire manuel. L’émission n’a jamais réussi à trouver son public amenant la chaîne à une déprogrammation pure et simple en cours de diffusion, remplacée par le jeu « Mot de passe ».

Maintenant que toutes ces émissions ont été présentées, il s’agit de considérer quel est le dénominateur commun à tous ces programmes ? Chacun d’entre eux relève d’une facette différente, mais faisant partie du même univers, de la « télé réalité« . C’est à dire qu’à chaque reprise une situation artificielle a été crée puis filmée dans des conditions qui sous tendent à vouloir montrer la « réalité« . Le seul point de différenciation dans ces émission réside d’un côté dans l’aspect de compétition (« L’étoffe des Champions » et « 5 touristes ») ou dans l’expérience de vie à proprement parlée (« Devine qui vient camper ? », « Partez tranquille, France 2 s’occupe de tout »).

Dès lors, ces quatre émissions se sont retrouvées prises dans un piège en partie dictée, d’une part, par l’image dont France Télévisions se doit d’être la représentation et d’autre part par les nouvelles aspirations de son dirigeant. En explicitant un peu le propos, France Télévisions de par son statut de service public se doit de considérer à sa juste valeur l’ensemble de ses publics et ne peut se permettre ce que les chaînes privées font sans vergogne, à savoir user et abuser de candidats plus caricaturaux les uns que les autres afin de créer des situations surréalistes où l’exagération et la déformation façonnent l’ADN de ces programmes.

Dans le cas de France Télévisions, des gardes fous éthiques et moraux existent bien en amont qui bloquent irrémédiablement ce genre de comportements qui dans la culture de la télévision publique française n’aurait pas de sens puisqu’elle transgresserait ce que le public attend de sa télévision, celle qu’il finance (les instincts grégaires ressortent parfois vite).

Par ailleurs, ces émissions ont pu voir le jour du fait de l’envie claironnée de toutes parts de Rémi Pflimlin de mettre à l’antenne des émissions de ce genre. Étant dirigeant du groupe public, sa volonté ne pouvait qu’être satisfaite. Restait encore à voir dans quel état…

Simplement voilà, monsieur Pflimlin n’avait sans doute pas tout à fait pris la mesure des carcans qui régissent la production d’émissions sur France Télévisions et de cette nécessité de ressortir une plus valu instaurée durablement par l’équipe De Carolis. Car il faut se souvenir que le public de télévision pratique avec délectation une dichotomie fascinante qui place régulièrement Arte comme chaîne préférée des français tandis que TF1 et M6 réalisent quasi systématiquement les plus fortes audiences.

Dans le cas de la « télé réalité » sur France Télévisions, voici où se situe une part non négligeable de ces débâcles d’audience, l’absence d’outrance, d’exagération, de déformation de situation initiales. Une « télé réalité » dans sa forme actuelle est une émission qui est sans doute la plus éloignée de ce que l’on pourrait appeler « réalité » puisque de par son casting, ses scénarios ainsi que ses lieux d’expression fantasme tout son univers pour parvenir à répondre aux attentes (toujours plus outrancières) du public et des décideurs de chaînes.

Dans les émissions diffusées cet été, on en est resté à une forme primitive de « télé réalité » avec des candidats classiques qui Å“uvrent dans des situations somme toutes banales et dont les lieux d’action sont fortement identifiés. Où le public, saturé de ce genre, peut-il trouver l’excitation et l’intérêt ? Nulle part. Qui plus est, lorsqu’il sait qu’il est sur France Télévisions où majoritairement les émissions adoptent un angle porteur d’un contenu plus fouillé que dans majorité d’émissions de canaux privés.

Dès lors, cet épisode démontre clairement que France Télévisions possède un ADN très fort et dont le public est amplement conscient puisqu’il rejette les greffons de programmes qui ne répondent pas à ce que doit être le service public. Les erreurs effectuées cet été s’expliquent ainsi par une double négligence, à la fois des dirigeants de France Télévisions qui ont cru bon de croire à la facilité d’exporter un genre stricto sensu d’une chaîne à l’autre sans penser aux aménagements nécessaires ainsi qu’aux producteurs qui, pris dans les prérogatives de service public, ont pensé que la « télé réalité » de service public devait parcourir le même « chemin initiatique » que ce qu’elle avait fait sur les chaînes privées pendant de nombreuses années.

Néanmoins, gardons nous de penser que le genre ne reviendra pas sur les antennes du service public puisque le succès de « Une semaine sans les femmes » démontre avec aisance que le genre est modulable et adaptable aux critères de France Télévisions dans des formes travaillées et d’envergure.

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