#LaMortEnDirect

La situation politique et sociétale au Vénézuela depuis quelques mois est très tendue ; ici ne sera pas le lieu d’un quelconque et futile commentaire de cette situation. Ici, on se concentrera avant tout sur ce qui s’est passé il y a quelques jours de cela avec le décès d’Oscar Pérez, 36 ans, ancien inspecteur de la police criminelle, qui s’est insurgé contre le président Nicolas Maduro en juin 2017 au cours d’un spectaculaire survol en hélicoptère de la capitale Caracas.

Ce qu’il s’est passé ce 16 janvier est assez symptomatique de la situation actuelle en terme de vécu de l’actualité. Tandis que les forces spéciales vénézuéliennes donnaient l’assaut après plus de six de traque de celui qui était désormais considéré comme un « terroriste » par le régime, ce qu’il se tramait sur le compte Instagram d’Oscar Pérez (désactivé depuis) était proprement hallucinant.

Alors que l’assaut était en cours et que des grenades étaient lancées contre le groupe dissident, Oscar Pérez faisait état en direct de cette situation dramatique. Lançant des messages à destination de la population qu’il invite à maintenir la pression sur le régime, la succession des vidéos le montre le visage ensanglanté, la voix moins assurée, etc. Ces mots deviennent testament et ceci en quasi direct sur Instagram.

Ce sont ces vidéos qui témoignent de l’événement. Au-delà de la portée politique de ce geste, c’est la dureté de la mort qui s’offre à nous. Désormais disparu, ces vidéo demeurent, ces contenus resteront, bien que supprimés, ils seront systématiquement republiés et feront perdurer ce message ainsi que le choc du contenu.

Mais dans une temporalité proche de l’événement, il s’agissait de vivre en « quasi direct » une condamnation à mort par l’intermédiaire de notifications successives. Cette forme d’adieux est d’une rudesse incroyable. Comprimée dans un format, distillée au travers d’une timeline qui laisse sans doute place à des paysages, selfies de vacances, cupcakes maison et autres DIY, voici une publication « mort » !

Au-delà même d’une idéologie que l’on tente de transmettre, ce format laisse place à une figure sacrificielle gravée dans la mémoire du web. Entre dignité, combat et convictions, cette séquence grand public interroge une fois encore notre rapport aux médias, notre consommation médiatique et l’horizontalité que les réseaux sociaux indexe à tous les types de contenus, les amenant de manière analogue peu importe leur nature.

Au public actif de prendre un recul nécessaire et salutaire pour interpréter et comprendre la portée de ces images, la dimension réelle de cela ; au public passif de cliquer, regarder… cliquer, regarder… cliquer, regarder… devenir comme insensibilisé face à un dispositif qui prête davantage à la fiction type blockbuster qu’au testimonial mortuaire.

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